La voiture à hydrogène la plus rapide au monde

Les voitures à hydrogène existent. Mais peuvent-elles rivaliser avec les plus performantes des voitures, par exemple les supercars engagées dans des courses officielles ? Oui, répond le team hollandais Forze Hydrogen Racing
Avec ses 5 m sur 2 m, ses lignes agressives habillées de bleu ciel et de blanc, la Forze IX ressemble à une supercar. Ses performances – de 0 à 100 km/h en moins de trois secondes et 300 km/h de vitesse de pointe – sont celles d’une supercar. Sa motorisation, elle, est unique en son genre: une double pile à combustible à membrane échangeuse de protons, alimentée par quatre réservoirs d’hydro- gène comprimé à 700 bars, qui produit l’électricité entraînant les quatre roues motrices.
Forze Hydrogen Racing prépare ce bolide pour participer au Supercar Challenge, une Série courue sur des circuits aux Pays-Bas (Zandvoort, Assen), en Belgique (Spa Francorchamps) et en Autriche (Red Bull Ring). « Nous voulons nous aligner en catégorie GT, la plus rapide de toutes, aux côtés des Porsche, Ferrari, Bentley, BMW… », précise le team leader Abel Van Beest. Pour les affronter en égaux, tout en ne recrachant dans l’atmosphère qu’un peu de vapeur d’eau.
Créé en 2007 dans le giron de l’Université de technologie de Delft, Forze Racing développe en quelques mois son premier modèle à partir d’une page blanche. La Forze I, un kart de 266 kg qui accélère de 0 à 100 km/h en moins de 5,5 secondes et atteint les 90 km/h, est alors considérée comme la première voiture de course à hydrogène au monde. Il faudra encore 10 ans de travail passionné pour qu’une autre Forze — la VII — devienne la première à participer à une compétition professionnelle (une course du Supercar Challenge).
Ce parcours est d’autant plus remarquable qu’il est réalisé par une succession ininterrompue d’étudiantes et d’étudiants. La première équipe de 2007 en comptait une quarantaine, travaillant à temps partiel. Aujourd’hui, ils et elles sont une soixantaine, dont la moitié profite d’un congé sabbatique pour s’y consacrer à plein temps (si 80h par semaine entre encore dans la définition de « plein temps »). L’équipe est renouvelée chaque année, ce qui suscite un sacré défi de transfert de connaissance (peu après son interview, Van Beest a d’ailleurs cédé sa place de team leader à sa successeure). Heureusement, bien des « anciens » restent actifs : « Une centaine d’entre eux continuent de nous aider ! »
Forze Hydrogen Racing s’est progressivement distancée de TU Delft, jusqu’à se constituer en association à but non lucratif en 2020. Les 90% de son effectif sont toujours issus de l’université néerlandaise, mais elle s’ouvre désormais aussi aux talents externes.
Trois ans ont été consacrés au design de la Forze IX, qui apporte des performances inédites.
« Les piles à combustible sont très efficaces pour fournir une puissance constante », explique Van Beest. « Mais, pour rivaliser avec les voitures à essence, il nous fallait augmenter notre accélération. Nous avons développé un système de batterie additionnel qui nous donne 360 kW supplémentaires. Soit 600 kW en tout, deux fois plus que la Forze VIII ! »
L’augmentation impliquait notamment d’amener bien plus d’hydro- gène à la pile à combustible, en plus d’autres adaptations prenant beaucoup de place. « Nous avons donc dû complètement repenser de nombreux éléments — pompe de recirculation, système d’éjec- tion, boîte de vitesses… — pour les rendre plus compacts. »
La pile est fournie (par l’entreprise allemande EKPO), mais tous les systèmes autour d’elle ont été conçus par Forze Racing, se réjouit Van Beest. « Nous avons développé un solide savoir-faire dans la manière d’amener très efficacement l’hydrogène et l’oxygène à la pile. Et, de manière plus générale, dans l’intégration de toutes ces technologies dans une voiture de sport. »
Forze Hydrogen Racing n’y serait pas arrivée sans convaincre une liste impressionnante de petits et grands partenaires (plus d’une centaine actuellement). « Certains nous donnent de l’argent, beau- coup nous donnent de la technologie ». C’est le cas de LEMO, qui fournit ses robustes connecteurs Série F. « Certains partenaires nous aident dans d’autres domaines, comme le marketing et la communication. »
La Forze IX a été révélée en grande pompe en février 2022. Depuis, le team s’est appliqué à valider les designs et, surtout, à produire les multiples éléments. « Nous créons et produisons le plus possible in-house. C’est une des difficultés du projet, mais aussi une part importante de la formation des étudiants. » Cela implique beaucoup de tests et de retours à la case conception.
Les premiers essais sur route ont eu lieu cette année. Notamment ceux de la transmission et ceux du système hydrogène.
Les participations aux courses du Supercar Challenge sont prévues pour 2024. Une première course en avril puis, en fonction du com- portement et de la fiabilité de la voiture, d’autres. Toutes les autres, dans l’idéal. À plus long terme, le team envisage de passer aux épreuves d’endurance et rêve des mythiques 24 Heures du Mans.
Les courses, pourtant, ne sont qu’une petite partie de la mission, conclut Abel Van Beest.
« Forze Hydrogen Racing a choisi le sport automobile parce qu’il est extrêmement exigeant en termes d’engineering. Et parce qu’il est très « sexy» — utile pour attirer les étudiants, partenaires, médias, public… Mais nous utilisons cette application pour raconter une his- toire plus large: l’hydrogène va jouer un rôle vital dans la transition énergétique dont notre planète a besoin. Il est important de raconter cette histoire, et il est important de former de jeunes ingénieurs qui vont la transformer en réalité. »
Les 24 heures du Mans avec un moteur à hydrogène ?
Forze Hydrogen Racing veut passer du rêve à la réalité.

© Forze Hydrogen Racing