Un peu
d’ordre
dans
le chaos

Créée il y a tout juste 10 ans, Norwegian Subsea conçoit des capteurs mesurant avec exactitude tous les mouvements agitant un bateau ou une structure marine. En direct et sur le long terme.
En 1975, un jeune Steven Spielberg a tenu à tourner « Les Dents de la mer » sur l’océan plutôt que sur un réservoir hollywoodien. Il voulait du réalisme. La réalité a failli couler sa carrière : « Cela a été un cauchemar, faire ça sur l'océan était comme travailler au cœur d'un tremblement de terre ! »
Ce que Spielberg a appris à 26 ans, les professionnels de la mer le savent depuis toujours. Cet environnement imprévisible et en constant mouvement rend tout travail bien plus difficile. Heureusement pour leurs entreprises, des technologies apportent un peu d’ordre dans le chaos. Dont les unités de référence de mouvement (MRU en anglais), des capteurs qui mesurent le mouvement relatif des véhicules et structures sous-marins ou flottants.
Norwegian Subsea, petite entreprise de pointe installée à Oslo, est une référence de ces MRU spécialisés. Elle est née, il y a tout juste 10 ans, des recherches en cybernétique marine de son fondateur et CEO.
« J’ai pu constater durant mes études combien les instruments nécessaires à la navigation sous-marine étaient très chers et volumineux », raconte Fredrik Dukan. « Nous avons réalisé que nous pouvions combiner nos recherches en algorithmes de fusion de capteurs et les systèmes microélectromécaniques (MEMS) pour développer des MRU à la fois très performants et bien plus abordables. »
Aujourd’hui, Fredrik Dukan a 39 ans, son entreprise propose quatre modèles de MRU et compte une centaine de clients, allant du propriétaire de yacht à des géants comme ABB ou Saipem. Avec des ventes en progression constante, sa petite équipe (sept personnes au moment de l’interview) doit être renforcée. Une jolie success story.
Les MRU de l’entreprise norvégienne embarquent un gyroscope et un accéléromètre MEMS trois axes de haute qualité (et un magnétomètre en option). Ils peuvent mesurer — instantanément et avec une précision au centimètre — jusqu’à six degrés de liberté : « Le tangage, le roulis, le lacet ainsi que tous les mouvements linéaires (soulèvement, déferlement et balancement). Il mesure également les vitesses et les accélérations associées. »
Ils embarquent aussi bien sûr les circuits intégrés nécessaires aux algorithmes de fusion de capteurs de Norwegian Subsea. Ces algorithmes, soigneusement peaufinés, fusionnent et pondèrent les données reçues des multiples capteurs (ceux des MRU ou d’autres, tels que pression, GPS, Doppler…) pour obtenir des mesures exactes et fiables.
« Exacts en mer », traduit Fredrik Dukan. « Pas seulement en laboratoire ! »
À quoi servent ces données fusionnées ? Le CEO distingue trois domaines d’application : « suivi de mouvements », « contrôle » et « compensation d’instruments ».
En « suivi de mouvements », les données servent à traquer ce que « vit » un bateau ou une structure « notamment pour estimer sa sécurité actuelle ou son usure à long terme ». En « contrôle », les données sont utilisées pour activer une action physique compensant le mouvement. « Par exemple pour stabiliser une grue ou pour stabiliser la passerelle permettant un débarquement en toute sécurité sur une station offshore… » Avec la « compensation d’instruments », le MRU capture les mouvements d’un instrument (radars mesurant les vagues, lidars mesurant le vent, sonar…) pour pouvoir, ensuite, les « retirer » des mesures faites par l’instrument. « Sans cela, il serait impossible de mesurer avec fiabilité quoique ce soit — fonds marins ou autres — depuis un bateau. »

Le Marine est la figure de proue des solutions Norwegian Subsea. Ce MRU mesure le roulis et le tangage avec une précision de +/- 0,05º à +/- 0,01º, ainsi que le soulèvement (à 5 cm ou 5 % près). Le Marine, protégé par une robuste coque en aluminium anodisé, est conçu pour les conditions météorologiques les plus rudes. Il résiste à des températures de -40 à +80 ºC, peut être utilisé sur un pont fouetté par les embruns ou immergé jusqu’à une profondeur de 50 m. Compact (moins de 16 cm sur 9 cm pour 1,2 kilo), il s’installe facilement partout.
L’exportation de ses données se fait via plusieurs ports à choix (Ethernet, RS-232 and RS-485) et des protocoles de communication industriels variés. Sa connectique : un Push-Pull IP68 LEMO de la Série K. Le groupe suisse fournit également l’assemblage sur un câble haute performance de sa filiale Northwire.
La durée de vie du Marine dans son difficile environnement marin ? Hors pair, promet Norwegian Subsea : il peut fonctionner parfaitement pendant plus de 100 000 heures en utilisation normale (environ 12 ans). Et, contrairement à des MRU standards, « nos capteurs MEMS sont si stables qu’ils ne nécessitent pas d’être envoyés toutes les deux ou quatre années pour recalibration ! »
ShoreConnection fait partie des nombreuses entreprises convaincues de ce MRU. En partenariat avec Norwegian Subsea, elle a intégré le Marine dans son Helideck Monitoring System (une solution d’hélipads pour plateformes pétrolières, supertankers ou même yachts de luxe). Fixé sous la plateforme, le Marine permet de vérifier en permanence si les conditions d’atterrissage répondent ou non aux normes de sécurité édictées par les autorités de l’aviation civile. C’est une des applications du domaine « motion monitoring ».
Norwegian Subsea a actuellement un autre marché dans son périscope : les éoliennes offshore flottantes. « Cette industrie est très intéressante pour nous, car nos MRU peuvent contribuer à chaque étape », explique Fredrik Dukan. « Durant la recherche d’un site d’implantation, ils permettent aux bouées mesurant les conditions de vent d’obtenir des résultats exacts. Durant les chantiers, ils contribuent à stabiliser les grues. Durant l’utilisation à sécuriser les débarquements et embarquements du personnel de maintenance. Sur le long terme à faire de la surveillance d'intégrité structurelle ou à vérifier l’orientation des pales. »
« Certains de nos clients utilisaient des équipements coûtant plusieurs centaines de milliers de francs », ajoute le CEO. « Ils peuvent maintenant avoir quelque chose de tout aussi efficace, mais beaucoup, beaucoup moins cher. »
Il ne faut jamais sous-estimer la puissance prodigieuse de la mer. En permettant de mesurer et de comprendre ses effets, les MRU de Norwegian Subsea contribuent à rendre cet environnement un peu moins extrême pour les humains.